Simultan

Souvenir d'enfance

Aus Simultan

L’enfant regarde un arbre, par la fenêtre. Il y a des passants, aussi, mais il ne les voit pas ; l’arbre, là, en face de la fenêtre, voilà ce qu’il voit.
La pièce est vide, il y a quelques jouets éparpillés sur le sol, pas beaucoup, un ou deux livres d’images ou de coloriage. Thomas regarde sa main, et puis l’arbre, et c’est drôle, il a comme l’impression qu’il pourrait l’attraper, parce qu’il est juste là, derrière sa main, mais en fait il est bien plus loin, sauf que.
Maman dit que je réfléchis trop pour mon âge, moi je sais pas ce que ça veut dire, « trop réfléchir ». En plus, souvent, papa n’arrête pas de dire « Les gens ne réfléchissent plus, de nos jours », d’un air dégoûté, en regardant le journal à la télé, alors je me dis qu’ils se contredisent. Je ne sais pas qui écouter. Tu comprends, Matheo ?
Son ami le regarde, celui qui est à côté de lui, celui qui ne le quitte jamais, celui en qui il peut toujours avoir confiance. Il est là et lui aussi il regarde l’arbre par la fenêtre.
Aujourd’hui, je n’ai pas envie de jouer.
Tu as envie de parler ?
Je ne sais pas.
Ils parlent souvent. En fait, Matheo ne parle pas beaucoup, dès fois oui, mais le plus souvent c’est Thomas.
L’enfant parle de l’arbre, il dit à son ami qu’il a l’impression de pouvoir l’attraper. Matteo rit, et dit que c’est possible. Il lui montre. Il approche sa main de la fenêtre, il l’ouvre, et puis il tend le bras. Il a raison ! Il y arrive, l’arbre est dans sa main, tout petit ! Il dit que c’est une porte, que là-bas, il y a un monde bien plus beau qu’ici, où papa et maman ne passent pas leur temps à boire ou à se morfondre devant la télé.
J’aimerais bien le voir, ce monde dont tu parles.
Il dit que c’est possible, pas de problème. Alors il emmène Thomas dans la forêt des pins argentés.
Le père entre dans la chambre. Thomas sursaute.
- A qui tu parlais ?
- A personne.
- Menteur ! J’ai bien entendu que tu parlais ! Qu’est-ce que t’étais encore en train de manigancer ?
- Mais rien !
- Je t’ai déjà dit que c’était mal de mentir. Je t’ai entendu, tu parlais, là, dans ta chambre, tu marmonnais des trucs ! Dis-moi la vérité !
- Je parlais à mon ami.
- Bon sang, j’en étais sûr, encore cette histoire d’ami imaginaire. Tu sais, c’est grave d’imaginer des choses qui n’existent pas. Ce sont les fous qui imaginent des choses qui n’existent pas. Et tu sais ce qu’on fait des gens qui sont fous ?
L’enfant fait non de la tête.
- On les attache, on leur mets des camisoles blanches, et on les enferme dans un asile ! S’ils se défendent, on leur envoie des éléctrochocs au cerveau ! C’est ce que tu veux ? Finir dans un asile à te faire éclater le crâne ?
L’enfant fait non de la tête. Le père sort de la chambre, et referme la porte. Matheo s’est caché sous le bureau. Il a peur. Thomas ne le console pas, il se sent coupable. Alors, peu à peu, les pleurs de son ami disparaissent, et sous le bureau, il n’y a plus rien.