Simultan

La transformation

Aus Simultan

Ce que je ne me suis jamais imaginé est arrivé ce matin : je me suis réveillé dans la peau d'un autre. Malgré les ressemblances physiques ce nouveau corps n'est pas moi, ni ce que j'étais hier, ni avant-hier, ni un autre jour dans ma vie. Ce nouvel emballage ne me correspond pas, ne me respect pas, ce n'est pas moi, c'est une insulte, un affront envers mon identité, envers ma personnalité tout entière ! Que faire de cette apparence que je ne reconnais pas ? Qui c'est ? D'où il vient ? Où est-ce qu'il va ? Je suis là devant ce type dans la glace qui me regarde, qui me juge, qui me dégrade, qui me dénigre par son regard méprisant. Que je lui ai fait pour qu'il me traite comme ça ? Va-t'en ! je lui lance, mais il reste là comme une statue vissé au sol. Je regarde ses chevaux, son teint, son regard, ses mains. Les mains, ça c'est le pire. Comment vivre avec les mains d'un autre ? Comment toucher des choses, caresser ma femme avec les doigts que je ne reconnais pas ? En me touchant mes propres cheveux ça devient le geste d'un autre. Il suffit de me l'imaginer. En m'approchant du corps de ma femme je laisse approcher un autre de me ma propre femme. Comment supporter ce scandale ? Comment ne pas me battre avec cet intrus dans ma vie la plus intime ? Et puis en le frappant, ce sont ses propres mains qui le frappent, ses propres pieds qui lui donnent des coups bas. Ce qui me reste se sont les mots et les phrases, les insultes et les attaques verbales construites par ma propre personne, ce truc que je n'arrive pas à identifié dans ce regard, dans cet image en face de moi, dans cet ensemble de détailles bizarres qui forment toute une apparence étrangère et absolument non compatible avec toutes les entités qui forme ce que je considère moi-même comme l'ensemble de moi-même. Cette récursivité et la seul certitude envers cette étrangeté dans la glace de la salle de bains pendant que je rase le mentant de ce type qui m'accompagne vaille que vaille, qui ne me salue même pas le matin et qui a ses exigences, ces bobos et ses habitudes encombrantes quotidiennes. Finalement je luis cède la place, lui sers un café, lui fait une tartine comme tout le matin. Mais la colère s'installe, insidieusement, grossissant. Et la certitude surgit que ça va mal finir entre lui et moi, ce type qui se place entre moi et le monde, qui prend la place dans mon lit conjugale, qui transforme ma figure en insulte, en trahison, en combat perdu. La vengeance va être terrible !