Simultan
Réveil / Aufwachen
Aus Simultan
4h du matin. Ewa ne cherche même plus une position qui lui permettrait de s’en dormir. Elle ne bouge pas, elle fixe le plafond, le faisceau projeté par son ordinateur portable éclaire sobrement la chambre. Elle pense à tout. Le trafic de cigarettes, son boss incompréhensible, Karel qui n’est plus là, son père qui lui en veut et qu’elle n’a pas vu depuis presque un an. Il n’a pas voulu la suivre dans la capitale. Le faisceau se modifie, les photos de Florence le transforment à chaque fois que l’une d’entre elles apparaît. Elle pense aussi à la vaisselle qu’elle n’a pas faite depuis un mois, le café qui se rapproche. La constance du café, toujours là quand on en a besoin.
Soudainement, elle se relève. Elle pense à Jan et une grande urgence l’envahit. Il est son échappatoire, avec ces informations, elle pourrait enfin retourner sur le terrain et prouver à son boss qu’elle n’est pas qu’une secrétaire. Ce qu’elle aime c’est coffrer des salauds, coffrer des rapports et des archives, elle ne le supporte plus. Elle aperçoit le t-shirt de Karel sur la chaise du bureau, celui qu’il portait quand il était encore là. Il faut qu’elle lui prouve que ce travail vaut la peine, qu’elle est faite pour ça. Il faut que Papa soit fier d’elle, absolument.
5h du matin. La vaisselle est faite, l’appartement est en ordre comme jamais. Sur le rebord de sa fenêtre, Ewa sirote son café, Oh yeah de Foxy Brown dans ses oreilles. Varsovie dort encore, mais Jan sûrement pas. Il lui reste trois heures avant de se rendre au bureau, trois heures pour trouver ce salaud dans le quartier de Praga.
Elle parque la voiture. Des jeunes touristes ivres dans la brume, qui rient comme elle ne le fait plus depuis longtemps. L’atelier de Jan se trouve dans un bâtiment de l’avant-guerre. Il vend les meilleures pilules psychostimulantes de tout Varsovie en plus d’être un de ses peintres les plus prometteurs. Encore des touristes. Praga a changé au cours de ces dix dernières années, mais au moins avec leur présence, les salauds du quartier comme Jan doivent se faire plus discret.
Elle monte les escaliers. Comment fait-il pour vivre ici, tout semble figé par le froid. Elle atteint le dernier étage, l’odeur de la peinture l’envahit. Le terrain, enfin. Elle débloque l’interrupteur, les néons explosent et le grésillement commence. Il ne s’arrêtera pas.
« Jankou… ohéééé… c’est le livreur de journaux, je t’ai apporté un peu de lait aussi mon salaud… »
Des tableaux et des pots de peinture partout, un bordel tout en couleur. Ewa aperçoit la porte de la chambre de Jan, le bruit s’y agite déjà.
« Aller Jankou, ne perdons pas de temps ou ça va faire mal… il faut que je te parle et mon PP7 aussi… tu ne voudrais pas que ta femme se fâche ou que tes enfants sachent vraiment qui tu es… »