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Thérapie capillaire

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Rencontre entre Thomas et Aaron Schmitt (version du jeunot) :

C’était un vieil immeuble au centre ville. Thomas entra, se dirigea au fond d’un long couloir et fit face à la réceptionniste, une certaine Mme Hagebutten (elle lui avait dit son nom au téléphone, et il n’avait d’ailleurs pas pu s’empêcher de lâcher un léger rire).
- M. Sorel ?
Thomas hocha la tête, bizarrement gêné.
- Si vous voulez bien patienter, Monsieur Schmitt arrive dans un instant.
- Bien sûr, répondit le jeune homme, avant de se diriger vers la salle d’attente, où, il le voyait d’ici, des sièges à l’apparence confortables (sensés « mettre à l’aise ») étaient disposés…
- Si vous voulez, vous pouvez aller directement dans le bureau de Monsieur Schmitt, intervint alors la réceptionniste. Il arrive dans un instant.
Thomas trouva la proposition un peu incongrue, mais accepta. Il se dirigea donc vers le bureau de son futur psy, qu’il ne connaissait pas encore, puisqu’il s’agissait de leur première séance… L’idée d’aller voir un psychiatre lui avait d’abord semblé saugrenue, jusqu’à qu’il réalise qu’il avait besoin d’en parler, de parler de son problème avec les femmes, puisque c’était un problème, puisqu’il n’était pas heureux… La rencontre lui faisait tout de même peur, il était un peu impressionné, il n’avait jamais été dans une pareille situation et il ne savait pas vraiment ce qu’il allait dire, s’il allait être capable de dire quelque chose…
Il était dans ce bureau, tout ce qu’il y avait de plus traditionnel, exactement tel qu’il l’avait imaginé : il manquait peut-être simplement le siège en cuir « typique thérapie », puisque la pièce ne contenait que deux chaises, l’une en face de l’autre, séparée par un grand bureau en bois. Derrière le bureau, sur le mur, un diplôme, mis bien en évidence, avec – remarqua Thomas avec un sourire – une lampe qui avait été placée juste en dessus. Hasard ou volonté de se mettre en avant, le jeune homme était incapable de trancher pour l’instant.
Ce qui était sûr, c’était que tout, dans cette pièce, était totalement cliché. Du bureau ordonné à la bibliothèque remplie de livres de médecine (sans doute à nouveau une tentative pour rassurer le patient sur la légitimité du prix de la séance), au nom même de ce drôle de bonhomme : Aaron Schmitt. Thomas l’avait choisi pour ça, d’ailleurs, il avait cherché au hasard dans l’annuaire et était tombé sur ce nom., qui lui avait semblé tellement invraisemblablement banal qu’il s’était dit que ça devait être le bon. Il y avait dans ce nom et cette atmosphère, dans ce bureau, quelque chose d’incroyablement rassurant de banalité, et peut-être était-ce bien ce que l’on recherchait chez un psychiatre… Parler de tant d’excentricités, de bizarreries, peut-être était-ce plus simple dans un contexte terriblement « normal ».
Un détail cependant attira l’œil de Thomas tandis qu’il parcourait la pièce du regard… Il s’approcha de la bibliothèque et retira délicatement un livre qui avait frappé son attention : entre le Traité sur la rhétorique médicale par Igor Bistouri et Analyse cognitive et comportementale : comment notre petite enfance marque-t-elle à jamais notre vie ? par Sandrine Hologue, se trouvait un petit livre qui portait le titre suivant : « Je suis chauve et je l’assume – Petite discussion avec sa calvitie. » Avec un sourire, et pour s’occuper dans cette attente qui commençait à être longue (« dans un instant », tu parles…), Thomas ne put alors s’empêcher de feuilleter cet ouvrage incongru.
Malheureusement, alors qu’il contemplait avec de grands yeux la liste des « dix exercices pratiques pour se détacher de sa dépendance capillaire », un homme d’une soixantaine d’année, à moitié chauve, fit irruption dans la pièce, sourire aux lèvres. Il fixa Thomas, fixa le livre, fixa à nouveau Thomas, ne dit rien, fit disparaître son sourire, et resta planté là. Thomas, de son côté, était au comble de l’embarras :
- Euh… Non, je regardais ça pour mon père, il a des problèmes… Enfin pas que ce soit vraiment un problème… Je veux dire…
Le psychiatre resta dans un silence absolu, et Thomas l’interpréta comme un : « tout ceci devra rester entre nous, ça ne s’est jamais produit. ». Il se dirigea vers la chaise derrière son bureau, s’assit, fit un geste pour indiquer à Thomas qu’il pouvait (ou devait) en faire de même, le jeune homme s’exécuta, et les deux hommes se firent face, silencieusement toujours.
Le psychiatre – vêtu dans un costume en tweed brun, Thomas était interloqué que cela se porte encore – fouilla dans ses papiers, sembla regarder un dossier, et finit par lâcher :
- Alors, problèmes obsessionnels ?
Curieuse approche. Thomas ne trouva qu’un mot à répondre :
- Oui.
- Du mal à s’en défaire ?
Et on le payait pour poser des questions pareilles ?
- Sinon je ne serais pas là.
- Et sous quelle forme se présentent ces troubles ?
Thomas resta silencieux quelques instants, et face à la concision de cet homme, il décida finalement lui aussi de faire court et direct :
- Je n’arrive pas à être constant avec les femmes.
Le psychiatre eut une expression étrange.
- Sexuellement ou… Emotionnellement ?
- Un peu les deux.
- C’est-à-dire ?
Thomas rougit légèrement :
- Eh bien je n’arrive jamais à coucher deux fois avec la même femme. Les rares fois où ça m’est arrivé, je ne me sentais pas à l’aise, j’avais l’impression que c’était faux, que je ne devais pas... Ce n’était pas naturel.
Silence. Le psychiatre marqua un temps, regarda par la fenêtre, puis murmura :
- Intéressant. Combien de partenaires sexuelles avez-vous connues ?
Là encore, Thomas décida de la jouer franc jeu. Finalement, c’était pour ça qu’il était là.
- Difficile à compter… Je ne sais pas exactement… Je dirais, approximativement, si l’on compte que j’ai commencé à avoir des relations sexuelles vers seize ans, cela fait donc six ans, à raison de deux à trois partenaires par semaine, ça doit faire…
Le psy le coupa :
- Intéressant. Mais… N’êtes-vous jamais tombé amoureux de l’une de vos partenaires ?
Tomber amoureux ? Tomber amoureux…
- C’est bien le problème : je n’en sais rien. Je croyais, au début. J’avais l’impression de toutes les aimer. Et puis, je me suis dit que cela ne voulait plus rien dire… Aujourd’hui, je me demande même si je sais ce que cela signifie, « être amoureux ».
Le psychologue sembla réfléchir, et Thomas se sentit étrangement gêné, presque idiot
- Personne ne sait vraiment ce qu’est l’amour, mon garçon ! déclara alors le docteur Schmitt avec emphase. Mais une vie sans amour, ce n’est pas une vie, n’est-ce pas ?
C’était le bouquet. Il devait payer autant pour s’entendre dire de telles banalités ?
- Sans doute.
- N’y a-t-il pas une femme en particulier qui vous ait marqué dans votre être le plus profond ?
C’est pas possible… Ça doit être un sketch… Où est la caméra cachée ? Il essaye de faire poète, maintenant…
- Je ne sais pas…
- Mais si, mon garçon, il y en a forcément une !
Non, il n’y en a pas. C’est bien le problème.
- Je ne crois pas, non.
Le psy ne voulait pas lâcher l’affaire :
- Allons !
- Non.
Il était bouché, ou quoi ?
- Bon. Réfléchissez-y pour la prochaine séance. C’est fini pour aujourd’hui.
- Déjà ? s’étonna Thomas. Il avait l’impression que cela n’avait duré que quelques minutes. A quoi bon s’être déplacé pour… ça ?
- Ah, mais l’heure tourne, mon garçon !
Encore une banalité… S’en suivit un serrage de mains un peu convenu, puis Thomas tourna donc les talons, en lâchant simplement, sans trop savoir pourquoi, mais bien décidé à revenir :
- A la semaine prochaine, alors !


Rencontre entre Thomas et Aaron Schmitt (version du psychiatre) :