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&nbsp;Il ne savait pas comment il était arrivé à son appartement, mais comment il avait atterri dans son lit, oui. Un avion à réaction touché en plein vol, bourré de caisses et de ferraille, comme il s’écrase sur la piste. Il avait l’impression de s’être retourné un tel nombre de fois. Sa peau supportait à peine le contact des draps. La sueur, l’odeur de bière embrassaient son corps, rancissaient son esprit. Il lui semblait que Mathilde était là, l’avait accueilli avec les yeux qu’elle lui faisait de plus en plus souvent, comme si elle se sentait tout aussi mal que lui en le voyant ivre; il était une écharde sous sa peau, qu’elle désirait oublier. Il ne la voyait pas, il ne la sentait pas à ses côtés. Avait-elle claqué la porte. Hilarant. Il devait ricaner, il devait, ensuite, aussi rire. Rien n’était très important, peu lui importait, ce qu’elle pouvait en penser, qui elle voulait baiser. Pas important Mathilde. <br>Sven l’avait entraîné dans les bars les plus divers, sordides et moins, il avait dû vomir. Maintenant, son ventre l’élançait encore. Quatre heures du matin, sa tête le laissait encore tranquille, mais il allait personnellement assister au lever de soleil de sa torture, il le sentait. Certains visages de femmes dansaient encore sur le plafond sombre. Qu’avait-il fait, il ne se souvenait plus. Il avait beaucoup ironisé, il avait failli se bastonner avec un autre crétin qui l’avait mis hors de lui. Pourquoi. Un hoquet le souleva. Passer la main sur un front mouillé. Ou comment prendre toute la merde dans ses tripes pour s’en peinturlurer la face. Bien Jörg, bravo Jörg. Tu vas changer ta vie en te prenant des cuites pareilles, c’est sûr. Et qu’est-ce que tu veux changer, grand con?<br>Il se sentait une envie de pleurer, il s’en serait ravalé les yeux. Pas possible d’encore s’apitoyer sur son sort. Il était vivant entre deux murs, une planche, un matelas, une migraine et sa bêtise. Ces bruits dans la cuisine qui grattaient à son esprit comme si elle se mouchait, comme si elle reniflait, sa Mathilde, parce qu’il était quand même abject. Elle ne serait pas partie? Il la voulait. Dans leur lit, encore. Un vicieux besoin de la détruire. Il savait, il finirait bien par y arriver. <br>Il ferma les yeux. Le plafond ne virevoltait plus. Sven dans la cuisine à réconforter sa femme, à la caresser comme pour l’obtenir. Sven obtenait tout ce qu’il désirait. Cette vision hantait ses nuits. Il avait peur de ne plus pouvoir gérer cette percée lancinante dans ses omoplates. Et se tenir droit, au moins. Plier les genoux sous le choc, mais se tenir droit, Mathilde. Il se sentait très vieux, alors que le plafond ne dansait plus, que son foie jouait encore. Le temps passait sans lui, parfois, souvent, lui brisait les os. Quel âge. L’âge, peu importe l’âge. Le taux d’alcoolémie aussi. On se sentait vieux parce qu’on se sentait vivre une fois de trop. Il ne pouvait même pas se plaindre de sa personne, il ne savait pas ce qu’il aurait fait autrement, manger, dormir, naître. C’était juste là, comme une tumeur dans sa pensée, ne pas pouvoir se faire plaisir à chaque instant, ne pas pouvoir être… un peu plus fort, un peu plus beau, un peu moins bête. Il rit d’un souffle à ses mauvais jeux d’esprit. Un jour son ironie le tuerait, pas la cirrhose.<br>Pourquoi la cuite? Pourquoi respirer? Penser à Sven, sûrement que c’était lui qui l’avait traîné à cette porte, à cet appartement. Mathilde l’avait forcément vu, que lui avait-elle jeté à la figure, l’avait-elle touché. Il aurait voulu connaître les mots, les gestes, et lire tout ce qui s’y cachait. Il voulait les confronter enfin, ces deux comètes, qu’elles explosent. Les forcer à tout avouer, à lui dire ce qu’il en était. S’il pouvait intégrer l’asile ou s’il partait pour de bon ailleurs, loin de tous ces cinglés qui lui prenaient la tête. S’il se déchirait un peu en claquant une dernière fois cette porte, ce ne serait pas grave. Pas grave. Il y avait pire, les enfants qui mourraient de faim, ceux qui mourraient de fin, les ours polaires et les bébés phoques, Brigitte Bardot, Syd Barrett, [[24 octobre, 9 h 20|l'usine]], la migraine qui lui couvrait le crâne des ailes.[[Category:Jörg|jörg]]
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&nbsp;Il ne savait pas comment il était arrivé à son appartement, mais comment il avait atterri dans son lit, oui. Un avion à réaction touché en plein vol, bourré de caisses et de ferraille, comme il s’écrase sur la piste. Il avait l’impression de s’être retourné un tel nombre de fois. Sa peau supportait à peine le contact des draps. La sueur, l’odeur de bière embrassaient son corps, rancissaient son esprit. Il lui semblait que Mathilde était là, l’avait accueilli avec les yeux qu’elle lui faisait de plus en plus souvent, comme si elle se sentait tout aussi mal que lui en le voyant ivre; il était une écharde sous sa peau, qu’elle désirait oublier. Il ne la voyait pas, il ne la sentait pas à ses côtés. Avait-elle claqué la porte. Hilarant. Il devait ricaner, il devait, ensuite, aussi rire. Rien n’était très important, peu lui importait, ce qu’elle pouvait en penser, qui elle voulait baiser. Pas important Mathilde. <br>Sven l’avait entraîné dans les bars les plus divers, sordides et moins, il avait dû vomir. Maintenant, son ventre l’élançait encore. Quatre heures du matin, sa tête le laissait encore tranquille, mais il allait personnellement assister au lever de soleil de sa torture, il le sentait. Certains visages de femmes dansaient encore sur le plafond sombre. Qu’avait-il fait, il ne se souvenait plus. Il avait beaucoup ironisé, il avait failli se bastonner avec un autre crétin qui l’avait mis hors de lui. Pourquoi. Un hoquet le souleva. Passer la main sur un front mouillé. Ou comment prendre toute la merde dans ses tripes pour s’en peinturlurer la face. Bien Jörg, bravo Jörg. Tu vas changer ta vie en te prenant des cuites pareilles, c’est sûr. Et qu’est-ce que tu veux changer, grand con?<br>Il se sentait une envie de pleurer, il s’en serait ravalé les yeux. Pas possible d’encore s’apitoyer sur son sort. Il était vivant entre deux murs, une planche, un matelas, une migraine et sa bêtise. Ces bruits dans la cuisine qui grattaient à son esprit comme si elle se mouchait, comme si elle reniflait, sa Mathilde, parce qu’il était quand même abject. Elle ne serait pas partie? Il la voulait. Dans leur lit, encore. Un vicieux besoin de la détruire. Il savait, il finirait bien par y arriver. <br>Il ferma les yeux. Le plafond ne virevoltait plus. Sven dans la cuisine à réconforter sa femme, à la caresser comme pour l’obtenir. Sven obtenait tout ce qu’il désirait. Cette vision hantait ses nuits. Il avait peur de ne plus pouvoir gérer cette percée lancinante dans ses omoplates. Et se tenir droit, au moins. Plier les genoux sous le choc, mais se tenir droit, Mathilde. Il se sentait très vieux, alors que le plafond ne dansait plus, que son foie jouait encore. Le temps passait sans lui, parfois, souvent, lui brisait les os. Quel âge. L’âge, peu importe l’âge. Le taux d’alcoolémie aussi. On se sentait vieux parce qu’on se sentait vivre une fois de trop. Il ne pouvait même pas se plaindre de sa personne, il ne savait pas ce qu’il aurait fait autrement, manger, dormir, naître. C’était juste là, comme une tumeur dans sa pensée, ne pas pouvoir se faire plaisir à chaque instant, ne pas pouvoir être… un peu plus fort, un peu plus beau, un peu moins bête. Il rit d’un souffle à ses mauvais jeux d’esprit. Un jour son ironie le tuerait, pas la cirrhose.<br>Pourquoi la cuite? Pourquoi respirer? Penser à Sven, sûrement que c’était lui qui l’avait traîné à cette porte, à cet appartement. Mathilde l’avait forcément vu, que lui avait-elle jeté à la figure, l’avait-elle touché. Il aurait voulu connaître les mots, les gestes, et lire tout ce qui s’y cachait. Il voulait les confronter enfin, ces deux comètes, qu’elles explosent. Les forcer à tout avouer, à lui dire ce qu’il en était. S’il pouvait intégrer l’asile ou s’il partait pour de bon ailleurs, loin de tous ces cinglés qui lui prenaient la tête. S’il se déchirait un peu en claquant une dernière fois cette porte, ce ne serait pas grave. Pas grave. Il y avait pire, les enfants qui mourraient de faim, ceux qui mourraient de fin, les ours polaires et les bébés phoques, Brigitte Bardot, Syd Barrett, [[24 octobre, 9 h 20|l'usine]], la migraine qui lui couvrait le crâne des ailes.  
  
[[Category:Sven|tut]]
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[[Category:Sven|bien]] [[Category:Jörg|bien]]

Aktuelle Version vom 29. Oktober 2010, 11:35 Uhr

 Il ne savait pas comment il était arrivé à son appartement, mais comment il avait atterri dans son lit, oui. Un avion à réaction touché en plein vol, bourré de caisses et de ferraille, comme il s’écrase sur la piste. Il avait l’impression de s’être retourné un tel nombre de fois. Sa peau supportait à peine le contact des draps. La sueur, l’odeur de bière embrassaient son corps, rancissaient son esprit. Il lui semblait que Mathilde était là, l’avait accueilli avec les yeux qu’elle lui faisait de plus en plus souvent, comme si elle se sentait tout aussi mal que lui en le voyant ivre; il était une écharde sous sa peau, qu’elle désirait oublier. Il ne la voyait pas, il ne la sentait pas à ses côtés. Avait-elle claqué la porte. Hilarant. Il devait ricaner, il devait, ensuite, aussi rire. Rien n’était très important, peu lui importait, ce qu’elle pouvait en penser, qui elle voulait baiser. Pas important Mathilde.
Sven l’avait entraîné dans les bars les plus divers, sordides et moins, il avait dû vomir. Maintenant, son ventre l’élançait encore. Quatre heures du matin, sa tête le laissait encore tranquille, mais il allait personnellement assister au lever de soleil de sa torture, il le sentait. Certains visages de femmes dansaient encore sur le plafond sombre. Qu’avait-il fait, il ne se souvenait plus. Il avait beaucoup ironisé, il avait failli se bastonner avec un autre crétin qui l’avait mis hors de lui. Pourquoi. Un hoquet le souleva. Passer la main sur un front mouillé. Ou comment prendre toute la merde dans ses tripes pour s’en peinturlurer la face. Bien Jörg, bravo Jörg. Tu vas changer ta vie en te prenant des cuites pareilles, c’est sûr. Et qu’est-ce que tu veux changer, grand con?
Il se sentait une envie de pleurer, il s’en serait ravalé les yeux. Pas possible d’encore s’apitoyer sur son sort. Il était vivant entre deux murs, une planche, un matelas, une migraine et sa bêtise. Ces bruits dans la cuisine qui grattaient à son esprit comme si elle se mouchait, comme si elle reniflait, sa Mathilde, parce qu’il était quand même abject. Elle ne serait pas partie? Il la voulait. Dans leur lit, encore. Un vicieux besoin de la détruire. Il savait, il finirait bien par y arriver.
Il ferma les yeux. Le plafond ne virevoltait plus. Sven dans la cuisine à réconforter sa femme, à la caresser comme pour l’obtenir. Sven obtenait tout ce qu’il désirait. Cette vision hantait ses nuits. Il avait peur de ne plus pouvoir gérer cette percée lancinante dans ses omoplates. Et se tenir droit, au moins. Plier les genoux sous le choc, mais se tenir droit, Mathilde. Il se sentait très vieux, alors que le plafond ne dansait plus, que son foie jouait encore. Le temps passait sans lui, parfois, souvent, lui brisait les os. Quel âge. L’âge, peu importe l’âge. Le taux d’alcoolémie aussi. On se sentait vieux parce qu’on se sentait vivre une fois de trop. Il ne pouvait même pas se plaindre de sa personne, il ne savait pas ce qu’il aurait fait autrement, manger, dormir, naître. C’était juste là, comme une tumeur dans sa pensée, ne pas pouvoir se faire plaisir à chaque instant, ne pas pouvoir être… un peu plus fort, un peu plus beau, un peu moins bête. Il rit d’un souffle à ses mauvais jeux d’esprit. Un jour son ironie le tuerait, pas la cirrhose.
Pourquoi la cuite? Pourquoi respirer? Penser à Sven, sûrement que c’était lui qui l’avait traîné à cette porte, à cet appartement. Mathilde l’avait forcément vu, que lui avait-elle jeté à la figure, l’avait-elle touché. Il aurait voulu connaître les mots, les gestes, et lire tout ce qui s’y cachait. Il voulait les confronter enfin, ces deux comètes, qu’elles explosent. Les forcer à tout avouer, à lui dire ce qu’il en était. S’il pouvait intégrer l’asile ou s’il partait pour de bon ailleurs, loin de tous ces cinglés qui lui prenaient la tête. S’il se déchirait un peu en claquant une dernière fois cette porte, ce ne serait pas grave. Pas grave. Il y avait pire, les enfants qui mourraient de faim, ceux qui mourraient de fin, les ours polaires et les bébés phoques, Brigitte Bardot, Syd Barrett, l'usine, la migraine qui lui couvrait le crâne des ailes.