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La métamorphose d'immatriculation

Aus Simultan

Thomas se souvenait de son premier jour de cours. C’était aussi l’un de ses premiers jours dans cette ville biennoise, puisqu’il vivait encore à Genève. Ce jour-là, à Bienne, il était allé un peu derrière l’école, pour se faire prendre en photo, avec tous les autres étudiants. Il avait un peu le sentiment de vivre une métamorphose.

Thomas descendit l’escalier. Ils étaient tous ensemble au sous-sol de l’école, à attendre, chacun leur tour, comme à la queue leu leu. La pièce au bout du couloir laissait passer une lumière éclatante, et ils attendaient, debout. C’était long. Le jeune homme ne pouvait s’empêcher de repenser à tout à l’heure, lorsqu’il avait dû subir la profondément agaçante « respiration » d’un bus, vers la gare, essayant désespérément de lire, assis sur un banc. Voilà, c’était comme ça, la vie était aussi faite de ça, de ces moments d’attente et d’ennui. Au Suivant ! Ça lui fit penser à Brel. Et puis vint enfin son tour. Il entra dans la pièce blanche, salua, mal à l’aise, un homme un peu bourru, avec une barbe blanche et une crinière ébouriffée, et alla s’asseoir sur la chaise, au milieu de la pièce. Le type le photographia, trois fois. Il dut ensuite choisir la photo qui était la moins pire, sur l’ordinateur. Tout ça pour l’administration de l’institut, pour les répertorier. Il fallait que Thomas devienne, comme les autres, un « numéro d’immatriculation » et une « image », une photo prise dans cette salle en sous-sol. Un instant, et puis c’était terminé, voilà, super, bravo, il était devenu étudiant en Haute Ecole Spécialisée, il sortit, « auf wiedersehen », même s’il ne le reverrait probablement pas, le type ne répondit pas.