Simultan

Un coup de dés jamais n'abolira le hasard

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Version vom 22. Oktober 2010, 09:30 Uhr von Pabloj (Diskussion | Beiträge)

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                                                     22.10.10 

Coussin calé derrière la tête, seul désormais dans le lit matrimonial, Aaron Schmitt n’arrivait pas à trouver le sommeil. Tous les retournements stratégiques, contre la gauche, contre la droite, en face de la fenêtre, de la porte, afin de trouver la position idéale n’avait pas arrangé les choses. Aaron Schmitt avait maintenant mal au dos.
Il pensa à se lever et à se préparer une tasse de lait arrosé d’une goutte de miel, et de bourbon. Si dans cinq minutes, il était encore en train de remuer comme un lion en cage, il n’essaierait plus de lutter. Cinq minutes plus tard, Aaron Schmitt se leva.
La chambre baignait dans une lumière blafarde. De minces filets de lune parvenaient à se faufiler à travers les volets qui étaient toujours fermés la nuit tombée, il était si facile pour un cambrioleur de casser une vitre. Pour ça, Aaron Schmitt gardait une vieille carabine Winchester qui appartenait à son père. Elle était toujours utile quand un besoin pressant se faisait sentir en pleine nuit. Il suffisait d’ouvrir l’armoire contenant toutes les affaire d’Annie, de ressentir un immense vide à l’intérieur, et d’empoigner cette magnifique protection, ce fut la première chose que fit Aaron Schmitt en se levant ce soir-là.
La porte de la chambre s’ouvrit dans un grincement sordide. Aaron Schmitt jeta un coup d’œil à gauche, à droite, le couloir était désert.
La cuisine se trouvait au rez-de-chaussée. En descendant les vieux escaliers, le psychiatre se devait d’être prudent, une hanche cassée n’avait rien d’attirant, même s’il aurait voulu courir à toute vitesse comme lorsqu’il était enfant et qu’il avait des cheveux.
La cuisine avait perdue de sa beauté, la nourriture n’avait plus le même goût depuis qu’Annie n’était plus là. Aaron Schmitt resta un instant dans l’encadrement de la porte à se souvenir du tablier rouge, des casseroles à vapeurs et des tomates fraîches. Puis, il ouvrit une armoire, celle qui contenait du chocolat auparavant, et se servit un verre de bourbon, au diable le lait.
L’horloge au-dessus du lavabo indiquait trois heures du matin. Le clocher non loin de la maison confirma en sonnant trois fois. Dans quatre heures, Aaron Schmitt devra se rendre à son cabinet pour son rendez-vous avec Mme Heinz, la grillée du cerveau maniaco-dépressive et paranoïaque. Il ne comprenait comment il était possible de se laisser aller à ce point-là. Depuis deux ans, Mme Heinz alignait scandales sur scandales. Elle soupçonnait tout le monde de faire partie d’un complot gouvernemental visant à l’abattre. Elle se baladait avec un revolver dans son sac et n’avait pas hésité à le sortir quand un jeune homme voulut l’aider à porter ses commissions.
Ah, Aaron Schmitt ne comprenait pas. En soixante ans de vie, il était las de ne pas comprendre.
Il pensa à Mme Magnin, alcoolique depuis la mort de son père. Elle passait son temps à écumer son foie dans les bars. Il but une rasade brulante de son bourbon en hommage à elle, pauvre malade de la tête, siphonnée du cervelet.
L’horloge indiquait trois heures et quart. L’église non loin sonna une fois. Aaron Schmitt crut entendre un bruit dans le salon. Il empoigna sa carabine Winchester mais il n’y avait personne dans le salon. Il se servit un autre verre de bourbon.
La mallette trouvée cette après-midi était cachée sous le canapé en liège du salon et c’est dans cette direction que se portait le regard d’Aaron Schmitt.
Il n’en avait pas parlé à personne, surtout pas à cette ramonée du ciboulot de Mme Hagebutten, ni à M. Poe afin de lui demander si cette mallette lui appartenait. Il avait passé une bonne heure à compter tout l’argent. Cent mille francs.
Pris de panique, il avait couru dans son salon cacher la mallette sous le canapé, comme si elle était en sécurité là-dessous. C’était un réflexe nerveux.
L’argent, il n’en avait pas tant besoin. Ses honoraires étaient beaucoup trop élevés par rapport aux autres psychiatres de Bienne. Mais les patients continuaient d’affluer aux portes de son cabinet.
Mais depuis cet après-midi, une idée germait dans son esprit. Il avait quelques connaissances, des amis de l’Université de Zürich qui s’étaient spécialisés dans une autre branche de la médecine. Par exemple, le Dr Zimmermann de Fribourg le Dr Braum de Lucerne. Avec eux, il était sûr de bénéficier d’une certaine discrétion. Il ne savait pas combien pouvait coûter une opération. Enlever un peu de graisse au niveau du ventre, refaire le contour des yeux, retendre un peu la peau du visage, greffer des cheveux sur le crâne. Tout cela avait un prix conséquent, bien sûr. Le vieux psychiatre ne s’était plus regarder dans un miroir depuis dix ans désormais. Il s’était disputé avec Annie à ce sujet-là. Détacher tous les miroirs d’une maison, cela peut être mal interprété pour une femme.