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Dimanche 30.05.10

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Dimanche 30.05.10


Le téléphone sonne. Ael se réveille en sursaut. Après la crise d’hier elle n’a pas voulu aller en cours. Elle se sentait trop mal. Elle décroche.


- Ael ? Ael, c’est papa.
- Salut… Elle se sent tellement faible qu’elle n’a pas le courage de rassembler toute sa colère. Une trêve, juste une fois.
- Tu vas mieux ?
- Ça va… j’ai mal au crâne, mais ça ira.
- D’accord, tant mieux… Tu m’as vraiment fait peur hier.
- …
- Oui…bon… hum… je t’appelais pour te demander si tu accepterais de venir manger dans un restaurant avec moi ce soir ?
- … Je pense que j’ai pas vraiment le choix…
- Je ne te demanderais pas si je ne te laissais pas le choix… alors ?
- Alors… ok, ok je viens avec toi…
- Super, alors je réserve ! Tes goûts n’ont pas trop changé ?
- Non, ça ira… je suis pas difficile.
- Très bien…
- …


Quelques secondes de silence puis Sébastien se racle la gorge :


- Ma chérie, je… je voudrais…
- Faut que j’y aille !


Et elle lui raccroche au nez. Tremblante elle se laisse tomber sur son lit en soupirant. Pourquoi a-t-elle accepté ?


« Tu m’emmènes dans une crêperie ? « demande Ael avec étonnement en découvrant l’enseigne du restaurant. Sébastien pousse la porte de bois bleue et pénètre dans le restaurant aux décorations marines. « Exactement, crêperie bretonne ! Je n’aimerais pas que tu oublies tes origines. » déclare-t-il sur le ton de la plaisanterie.
Cela fait huit ans qu’elle n’a pas posé les pieds dans une crêperie. Décidément il y a pleins de choses qui ne se sont plus faites depuis huit ans. Elle sent les souvenirs remonter à la surface, mais elle les endigue. Ce n’est vraiment pas le moment.


Elle commande sa crêpe préférée : beurre-salidou. Son père esquisse un sourire lorsqu’il s’aperçoit qu’elle n’a pas changé de préférence. Elle pense « j’espère qu’il n’y voit pas là un signe de quoique ce soit. ». Sébastien commande une bouteille de cidre, brut. Ael adore le cidre et se sert copieusement. Et souvent. Elle se dit qu’elle sera plus détendue lorsque les délicieux pétillements de la fermentation viendront lui chatouiller l’estomac. Ils parlent toujours selon le même schéma : Sébastien pose des questions et Ael y répond à demi-mot. Et boit après chaque réponse.
Le dîner se poursuit, Ael commande une deuxième bouteille, se détend et s’épanche de plus en plus facilement. Elle lui parle de Luna, qu’il n’a encore jamais vue, de l’aide qu’elle lui apporte en cours, de comment elles se sont rencontrées, des histoires qui leur sont arrivées. Sébastien éclate de rire sous les récits plutôt animés de sa fille. La soirée se passe bien. Une troisième bouteille y passe. Ael commence à se sentir un peu nauséeuse, la tête lui tourne. Elle parle de plus en plus fort et rate un mot sur trois. Ce qui les fait rire. Cela fait du bien de mettre sa rage de côté de temps en temps. Elle n’y pense même plus.
Mais Sébastien gâche tout. À un moment d’accalmie il décide de parler de ce qui le préoccupe et demande à Ael si elle pourrait oublier cette histoire un jour, si elle pourrait arrêter de lui en vouloir. Dérangée dans son agréable torpeur de bulle de cidre et de rires retrouvés, Ael se braque. Et lui dit qu’elle lui en voudra toujours, que ça ne reviendrait jamais comme avant. Sébastien, lui aussi bien échauffé par les bouteilles de cidre monte d’un ton :


- Mais pourquoi ? Je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu m’en veux toujours ! Hein ? Pourquoi ?
- Parce que tu es un salaud ! hurle Ael qui ne se rend plus très bien compte de ce qu’il se passe. Tu es un salaud ! Tu as trompé maman et tu t’es barré ! Tu l’a laissée complètement achevée et tu nous as abandonnées pour aller te reproduire ailleurs, te trouver une autre famille, quelque chose de mieux ! Tu nous as abandonnée, sanglote-t-elle. Tu m’as abandonnée, moi ! Moi j’y étais pour rien, je suis ta fille ! Et tu es parti ! Tu es parti de la maison ! Tu disais que j’étais ta princesse, ton cadeau du ciel et t’es parti ! Comment peut-on être aussi monstrueux ?


Et dans son élan de fureur elle se lève brusquement, mais ses pieds ne la portent plus. Trop de rage et trop d’alcool, et elle s’effondre sur le sol en sanglotant.
- Tu l’as trompéeeee ! Tu es parti avec une autre femme ! Tu as laissé maman…tu as laissé maman, tu m’as laissé moi… Tu l’as trompée ! Salaud ! Salaud !


Sébastien essaie de relever sa fille qui se débat comme une forcenée. Au troisième salaud il explose à son tour :
- C’est ta mère qui m’a trompé en premier je te signale ! Je me serais sûrement pas permis de regarder quelqu’un d’autre si elle ne m’avait pas fait ça !


Ael le regarde complètement horrifiée et le repousse : « Arrête, arrête de dire des conneries pareilles ! Jamais elle ne t’aurait fait ça ! T’es dégueulasse de la salir ! C’est dégueulasse ! ».

Sébastien l’attrape par les poignets et la force à le regarder droit dans les yeux :


« Je n’invente rien ma chérie… c’est la vérité ».