Simultan

Traditions: Unterschied zwischen den Versionen

Aus Simultan

 
(Eine dazwischenliegende Version des gleichen Benutzers werden nicht angezeigt)
Zeile 1: Zeile 1:
 
 '''Le Rasoir                                               '''  01.01.10     '''                                                               '''  
 
 '''Le Rasoir                                               '''  01.01.10     '''                                                               '''  
  
Le rasoir. Aaron Schmitt aimait son rasoir. Lame qui frôle la peau, la délaissant de ses poils indésirables. Tous ses collègues étaient barbus mais Aaron Schmitt dans son désir perpétuel et machinal d’une recherche marginale, se rasait, même le week-end et les jours fériés. Son rasoir incarnait cette discipline et cette ponctualité qu’il considérait comme chef d’orchestre de la musique douce et sécurisante qu’avait été son existence. <br>Aaron avait acheté ce rasoir en 1968, le jour de ses dix-huit printemps, dans une boutique du centre-ville de Bienne. Il s’en souvient très bien car c’est en achetant ce rasoir qu’Aaron était devenu un homme. Selon son père, le passage rituel et inévitable du garçon à l’homme se faisait dans l’achat d’un rasoir.<br>«&nbsp;Les hommes se rasent, pas les enfants&nbsp;», disait son père. «&nbsp;Les hommes se rasent, vont travailler et paient des factures. Ils les paient, sans exception, tu comprends, fils. Ils ne contractent pas de dettes, n’ont pas besoin d’aide et ne pleurent pas. Mais surtout, les hommes se rasent&nbsp;», disait-il également. <br>Quand Aaron pleurait lorsqu’il était enfant, son père le giflait, mais une main n’a rarement le pouvoir d’arrêter une larme, alors son père le giflait encore, toujours plus fort, jusqu’à ce que les larmes sèchent. Et elles finissaient par sécher.<br>Ce matin-là, un vendredi où tout semblait pareil mais tout allait être différent, le réveil d’Aaron Schmitt, posé sur sa table de chevet, à une distance ni trop proche ni trop éloigné, pour un réveil tout en douceur, s’éteignit vers cinq heures du matin. Ses piles lâchèrent et il s’éteignit. Pourtant, Aaron n’avait pas voulu d’un réveil à piles. Il avait dit au vendeur «&nbsp;Ah non, je ne veux pas d’un réveil à piles&nbsp;» de peur que celui justement ne s’éteigne. Mais il n’y avait pas d’autres réveils que ceux fonctionnant avec des piles à la boutique et Aaron, par l’obligation du rasage, devait s’acheter un réveil. <br>Pas besoin de réveil pour le travail. Aaron avait une horloge intérieure qui le sortait du sommeil, mais elle ne fonctionnait pas pour le rasage.<br>Sauf que ce matin-là, le réveil ne sonna pas.
+
Le rasoir. Aaron Schmitt aimait son rasoir. Lame qui frôle la peau, la délaissant de ses poils indésirables. Tous ses collègues étaient barbus mais Aaron Schmitt dans son désir perpétuel et machinal d’une recherche marginale, se rasait, même le week-end et les jours fériés. Son rasoir incarnait cette discipline et cette ponctualité qu’il considérait comme chef d’orchestre de la musique douce et sécurisante qu’avait été son existence. <br>Aaron avait acheté ce rasoir en 1968, le jour de ses dix-huit printemps, dans une boutique du centre-ville de Bienne. Il s’en souvient très bien car c’est en achetant ce rasoir qu’Aaron était devenu un homme. Selon son père, le passage rituel et inévitable du garçon à l’homme se faisait dans l’achat d’un rasoir.<br>«&nbsp;Les hommes se rasent, pas les enfants&nbsp;», disait son père. «&nbsp;Les hommes se rasent, vont travailler et paient des factures. Ils les paient, sans exception, tu comprends, fils. Ils ne contractent pas de dettes, n’ont pas besoin d’aide et ne pleurent pas. Mais surtout, les hommes se rasent&nbsp;», disait-il également. <br>Quand Aaron pleurait lorsqu’il était enfant, son père le giflait, mais une main n’a rarement le pouvoir d’arrêter une larme, alors son père le giflait encore, toujours plus fort, jusqu’à ce que les larmes sèchent. Et elles finissaient par sécher.<br>Ce matin-là, un vendredi où tout semblait pareil mais tout allait être différent, le réveil d’Aaron Schmitt, posé sur sa table de chevet, à une distance ni trop proche ni trop éloigné, pour un réveil tout en douceur, s’éteignit vers cinq heures du matin. Ses piles lâchèrent et il s’éteignit. Pourtant, Aaron n’avait pas voulu d’un réveil à piles. Il avait dit au vendeur «&nbsp;Ah non, je ne veux pas d’un réveil à piles&nbsp;» de peur que celui justement ne s’éteigne. Mais il n’y avait pas d’autres réveils que ceux fonctionnant avec des piles à la boutique et Aaron, par l’obligation du rasage, devait s’acheter un réveil. <br>Pas besoin de réveil pour le travail. Aaron avait une horloge intérieure qui le sortait du sommeil, mais elle ne fonctionnait pas pour le rasage.<br>Sauf que ce matin-là, le réveil ne sonna pas.  
 +
 
 +
[[category: Aaron_transitoire|aaron schmitt]]

Aktuelle Version vom 14. Januar 2011, 12:30 Uhr

 Le Rasoir                                                 01.01.10                                                                    

Le rasoir. Aaron Schmitt aimait son rasoir. Lame qui frôle la peau, la délaissant de ses poils indésirables. Tous ses collègues étaient barbus mais Aaron Schmitt dans son désir perpétuel et machinal d’une recherche marginale, se rasait, même le week-end et les jours fériés. Son rasoir incarnait cette discipline et cette ponctualité qu’il considérait comme chef d’orchestre de la musique douce et sécurisante qu’avait été son existence.
Aaron avait acheté ce rasoir en 1968, le jour de ses dix-huit printemps, dans une boutique du centre-ville de Bienne. Il s’en souvient très bien car c’est en achetant ce rasoir qu’Aaron était devenu un homme. Selon son père, le passage rituel et inévitable du garçon à l’homme se faisait dans l’achat d’un rasoir.
« Les hommes se rasent, pas les enfants », disait son père. « Les hommes se rasent, vont travailler et paient des factures. Ils les paient, sans exception, tu comprends, fils. Ils ne contractent pas de dettes, n’ont pas besoin d’aide et ne pleurent pas. Mais surtout, les hommes se rasent », disait-il également.
Quand Aaron pleurait lorsqu’il était enfant, son père le giflait, mais une main n’a rarement le pouvoir d’arrêter une larme, alors son père le giflait encore, toujours plus fort, jusqu’à ce que les larmes sèchent. Et elles finissaient par sécher.
Ce matin-là, un vendredi où tout semblait pareil mais tout allait être différent, le réveil d’Aaron Schmitt, posé sur sa table de chevet, à une distance ni trop proche ni trop éloigné, pour un réveil tout en douceur, s’éteignit vers cinq heures du matin. Ses piles lâchèrent et il s’éteignit. Pourtant, Aaron n’avait pas voulu d’un réveil à piles. Il avait dit au vendeur « Ah non, je ne veux pas d’un réveil à piles » de peur que celui justement ne s’éteigne. Mais il n’y avait pas d’autres réveils que ceux fonctionnant avec des piles à la boutique et Aaron, par l’obligation du rasage, devait s’acheter un réveil.
Pas besoin de réveil pour le travail. Aaron avait une horloge intérieure qui le sortait du sommeil, mais elle ne fonctionnait pas pour le rasage.
Sauf que ce matin-là, le réveil ne sonna pas.